CULTURE START-UP : est-ce vraiment possible en entreprise ?

culture start up

Cher lecteur,

Septembre est arrivé. Ayant passé une bonne partie de mon mois d’août à rédiger diverses notes professionnelles sur le futur du travail, j’ai envie de te faire part d’une de mes interrogations sur l’engouement pour la culture « start-up » à l’américaine.

PAS LE CHOIX !

Oh, ne te méprends pas… Je ne remets nullement en question le fonctionnement de l’ensemble des start-up ! Aller vite et être agile : la cause ou la conséquence d’un monde qui s’accélère.

Les cycles d’innovations devenant plus courts, la période impose un flot continu d’innovations difficile à absorber pour les entreprises et pour les managers. Forcément… à l’école, on n’apprend pas théoriquement à innover.

Mais alors comment faire ? Dans des entreprises aux process complexes et lourds, comment laisser place à la créativité et à l’innovation ? Comment être rapide ?

Et nous voilà à copier la culture des start-up américaines. Forcément, là-bas ça a marché….

HOP ! UN BON COPIER / COLLER

C’est décidé, on va travailler « en mode start-up » ! On va faire du design thinking ! Du co-developpement et du scrum !

Si tu ne connais pas , « le Design Thinking est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive. Il s’appuie beaucoup sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final » (wikipedia).

Sauf que… Et c’est là que le bât blesse, toutes ces méthodologies impliquent quelques pré-requis.

  • LA FAIBLE AVERSION AU RISQUE : car oui, innover implique d’essayer et de valider ou d’invalider des scénarios. Une idée peut être balayée en une fraction de seconde mais il va falloir oser la proposer. Et rebondir. Hmmm… Intéressant… et passablement antinomique avec notre culture qui n’a pas vraiment inscrit le risque dans notre ADN. Notre système éducatif (qui valorise notre capacité à répéter une information) ainsi que notre culture du CDI et de l’autorité en France nous incitent-t-ilss vraiment à oser prendre le risque de se planter ? Pas sûr. D’ailleurs nos langues parlent d’elles-mêmes : « prendre un risque » versus « take a chance ».
  • LA MISE DE CÔTÉ DE L’ÉGO : l’idée du manager n’a pas plus de valeur que celle de son équipe. Hé oui, la capacité à innover s’affranchit du niveau d’étude et du système hiérarchique… Pire, ceux qui sont le plus susceptibles d’avoir une idée sont souvent « hors moule », sur le terrain, loin du sérail. Ouille…. Cela veut donc dire qu’il va falloir balayer d’un trait le côté élitiste créé par notre bon système éducationnel et remettre en question notre bon système pyramidal ?
  • LA LIBERTE DE PAROLE : et oui… pour qu’on invente, il va falloir que chacun ose s’exprimer. Et ce n’est pas parce que l’entreprise a subitement décidé de devenir « collaborative » que les salariés vont oser s’exprimer. Plusieurs niveaux hiérarchiques dans une groupe et c’est foutu. On fait attention à ce qu’on dit, soit pour son avancement personnel, soit pour la crédibilité face à son équipe. Curieusement, la liberté de parole est plus aisée dans des entreprises plus « plates » et dans celles où règne un climat de confiance…
  • LA CONFIANCE EN SON ENTREPRISE : soyons honnêtes ! Depuis des années on a demandé à la grande majorité des salariés d’être des exécutants. Penses-tu vraiment que cela puisse changer si facilement ? Penses-tu vraiment qu’ils ne vont pas s’interroger sur ce revirement soudain ?
  • LA CONFIANCE EN SOI : hé oui… en France, on n’apprend pas la confiance en soi à l’école. Et l’entreprise aura beau offrir les meilleures conditions à ses employés, si le salarié n’a pas confiance en lui, il aura bien du mal à s’exprimer. Pire, il ne se rendra pas compte de son utilité. Aie Aie Aie. Cela voudrait dire introduire du développement personnel pour les salariés. Risqué.
  • LE SENS : bien-sûr, encore faut-il que le salarié ait envie de donner son idée à son entreprise ! S’il règne un climat qui ne l’enthousiasme pas, c’est raté. Et d’ailleurs, s’il n’a pas compris la vision de sa société, il ne saura même pas le faire. Certains salariés chez ACCOR utilisaient déjà craiglist avant la création d’AirBnB. Si seulement ils l’avaient dit…
  • LE BON PILOTAGE : trop souvent après ces ateliers collaboratifs « le directeur » pilote le projet. Forcément on risquerait de froisser les égos si ce n’était pas le cas. Or la question du « QUI? » devrait se poser. Quelle est la meilleure mixité pour porter le projet ? Le mieux placé pour piloter n’est pas forcément le mieux placé dans la hiérarchie. D’ailleurs, le mieux placé n’est pas forcément dans le bon service et a déjà un job : inenvisageable de le faire changer, « vis à vis des autres ». Plan de pilotage RH trop compliqué.
  • LA DIVERSITE : autre point, ces méthodologies fonctionnent si on mélange et si chacun est convaincu du besoin de l’autre, si l’écoute est sincère, si le créatif a autant sa place dans la discussion que le financier, le directeur ou le stagiaire. Combien de fois ai-je vu des ateliers avec des populations homogènes. Sérieusement, on ne va tout de même pas mixer N+32 avec N-44. Formatage éducationnel : les bons élèves ensemble.

ET DONC ?

Oh, ne vois pas dans cette lettre une critique pure et dure de cette approche de l’innovation et des méthodologies aujourd’hui utilisées. Il s’agit simplement d’éléments que j’ai relevés en France que je mets en parallèle avec ce que j’ai vécu aux US. Le fait d’avoir éprouvé les deux systèmes m’interroge. Ne transpose-t-on pas sans réfléchir aux spécificités de nos grandes entreprises françaises ?

Le copier/coller pur des méthodologies américaines peut-il vraiment fonctionner ? Ne devrait-on pas prendre en compte nos différences culturelles et éducationnelles ? Prendre un peu de recul, étudier l’histoire, comprendre le système éducatif, s’intéresser aux tendances françaises pour adapter réellement les méthodologies ?

Il me semble que nous n’avons pas le choix. La culture d’une start-up américaine ne s’acquiert pas car un DG a décidé « que tout le monde doit devenir agile » !

Cela requiert :

  • soit une adaptation des méthodologies à nos particularités,
  • soit un fort accompagnement pour « déformater » ce que le système et les années nous ont inculqués.

D’ailleurs, cela requiert généralement les deux à la fois tant il s’agit d’une transformation de fond. On ne peut attendre d’un salarié français qu’il ait, du jour au lendemain, la même mentalité qu’un entrepreneur américain.

Mais dans l’entreprise, ce qui prévaut est le temps court. Il faut dès demain travailler en mode agile. Alors on commande des ateliers. Sauf que pour que ces méthodologies soient vraiment efficaces, il faut mener un travail de fond. Et ce travail sur la culture globale de l’entreprise ne peut s’opérer que sur le temps long.

Pour ma part, je reste optimiste convaincue qu’il n’y aura pas le choix. Les cartes sont rebattues avec une prise de conscience progressive du besoin de mixité des intelligences et de complémentarité des salariés.

Tu comprends peut-être mieux pourquoi innovation et bien-être au travail vont pour moi de paire et pourquoi nous y avons dédié un think-tank. Ces deux sujets sont passionnants tant ils sont complexes, intrinsèques et systémiques… bien loin de la réputation binaire et légère qui leur colle à la peau.

Qu’en penses-tu ?

Au plaisir de te rencontrer bientôt,

Catherine

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